Longtemps personnalité préférée des Français, l’abbé Pierre, de son vrai nom Henri Grouès, a fait l’objet d’un long article dans le journal La Croix, en juillet dernier. Selon le quotidien, celui qui a fondé le mouvement Emmaüs a été accusé par plusieurs femmes d’avoir eu des gestes inappropriés, dont certains ont été qualifiés d’agressions sexuelles. Emmaüs France a déclaré "rendre publics des faits qui peuvent s’apparenter à des agressions sexuelles ou du harcèlement sexuel, commis par l’abbé Pierre", peut-on lire dans un communiqué.

Toujours d’après le communiqué, ce sont des "salariés, des volontaires et bénévoles de certaines de nos organisations membres, ou des jeunes femmes dans l’entourage personnel de l’abbé Pierre" qui seraient concernées.

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L'abbé Pierre @ Gilles LEIMDORFER / AFP

Une image définitivement ternie ?

Alors que l'association a mandaté un cabinet expert de la prévention des violences, le groupe Egaée, afin de lancer une enquête, les langues se sont déliées et dix-sept nouvelles personnes ont révélé avoir été agressées sexuellement par l’abbé Pierre. Un choc pour les dirigeants actuels de l’organisation caritative, qui viennent de prendre des décisions radicales.

En juillet dernier, Emmaüs International, Emmaüs France et la Fondation Abbé Pierre ont rendu public le travail d’écoute de personnes faisant état d’agressions sexuelles commises par l’Abbé Pierre. Depuis, de nouveaux témoignages renvoyant à des faits très graves ont été recueillis. 17 personnes témoignent de violences sexuelles commises par l’Abbé Pierre. Parmi elles, plusieurs personnes étaient mineures au moment des faits. Ces témoignages s’ajoutent aux sept rendus publics au mois de juillet.

Peut-on lire dans un nouveau communiqué.

La violence et l’extrême gravité de certains de ces nouveaux témoignages ont suscité un nouveau choc au sein de nos organisations.

A ajouté le mouvement Emmaüs, alors qu'un extrait d'un rapport fait état "de contacts non sollicités sur les seins ou de baisers forcés" ou encore "de contacts sexuels répétés sur une personne vulnérable, d'actes répétés de pénétration sexuelle sur une personne de plus de 18 ans, ainsi que de propos à caractère sexuel, baisers forcés et autres contacts sexuels sur une enfant". Des faits qui se seraient produits entre les années 50 et 2000.

L’abbé Pierre frappé de damnatio memoriae

À la suite de ces nouvelles révélations choc, le mouvement Emmaüs a immédiatement réagi et pris plusieurs décisions symboliques :

Elles concernent l’héritage de l’abbé Pierre, sa place au sein des organisations et la pérennité des missions du Mouvement.

A-t-il été indiqué, expliquant que la Fondation Abbé Pierre allait "changer de dénomination et a initié les démarches prévues à cet effet".

De son côté, le conseil d’administration d’Emmaüs France "a décidé de proposer le retrait de la mention "fondation abbé Pierre" du logo d’Emmaüs France". Et quant au lieu de mémoire dédié à l’abbé Pierre, celui-ci "restera définitivement fermé". En outre, une commission d’experts indépendants sera prochainement sollicitée "pour comprendre et expliquer les dysfonctionnements qui ont permis à l’abbé Pierre d’agir comme il l’a fait pendant plus de 50 ans".

Des proches qui refusent d'y croire

Peu après que ces informations ont été dévoilées au grand jour, les proches de l'abbé Pierre ont pris la parole dans les médias. Annie Porte, sa filleule, avait ainsi déclaré être "surprise" par ces accusations et avoir "du mal à y croire". "C’est facile de salir l’abbé Pierre, de dire des choses sur lui, il est décédé, il ne peut pas se défendre", avait-elle regretté au micro de France Bleu Mayenne.

Affirmant n’avoir jamais subi de comportements déplacés de la part de son parrain, la septuagénaire a poursuivi, évoquant des souvenirs qui lui sont précieux :

J'ai passé beaucoup de temps avec lui, j'allais en vacances chez lui, je n'ai jamais eu de souci de ce genre. On l'a reçu dans notre famille, il n'y a jamais eu quoi que ce soit. Il s'est toujours conduit comme un grand-père, quelqu'un de très gentil, de correct.

Si Annie Porte a appelé à ce qu’on "écoute ces femmes, qui ont le droit de parler, de s’exprimer", elle a néanmoins fait savoir qu’elle campait sur ses positions : "Mais moi, personnellement, je n'y crois pas".