Leurs témoignages contre le Français de 74 ans ont été recueillis par le quotidien américain The Boston Globe, qui les a publiés vendredi, notamment celui d'une ancienne assistante du photographe.
Cette dernière explique, sous couvert d'anonymat, avoir finalement cédé aux avances insistantes de Patrick Demarchelier, de peur de compromettre son avenir professionnel si elle persistait à refuser.
Elle dit avoir demandé instamment à la directrice artistique du groupe Condé Nast, la très influente Anna Wintour, de ne plus laisser le photographe travailler avec de jeunes mannequins.
Le Boston Globe cite également le cas de six autres femmes accusant toutes le Français de harcèlement sexuel. L'une d'entre elles raconte que le photographe lui a mis la main sur ses parties génitales, et une autre qu'il lui a touché la poitrine.
Sollicité par l'AFP, Patrick Demarchelier n'a pas donné suite dans l'immédiat.
Patrick Demarchelier fait partie des plus grands photographes de mode et du show-business. Certains de ses clichés de la princesse Diana, de Madonna ou d'Angelina Jolie ont fait le tour du monde.
Le photographe né au Havre (Normandie, ouest de la France), dont le travail a fait l'objet d'une exposition en 2008 au Petit-Palais à Paris, est aussi l'auteur de nombreuses couvertures d'albums, entre autres pour Elton John et Céline Dion.
Baisers non sollicités
Sa célébrité dans le milieu de la mode est telle que son nom est cité à plusieurs reprises dans le film "Le diable s'habille en Prada", satire du monde de la mode où Meryl Streep campe un personnage inspiré d'Anna Wintour.
La Globe Spotlight Team, qui a mené cette enquête, est une équipe de six reporters d'investigation, héritière de celle qui avait révélé en 2002 comment la hiérarchie catholique locale avait couvert des abus sexuels commis par quelque 90 prêtres à Boston et dans les environs pendant plusieurs décennies. L'histoire avait servi de base au film "Spotlight", qui a reçu l'Oscar du meilleur film en 2016.
L'enquête sur le monde de la mode publiée vendredi met en cause d'autres photographes, notamment Seth Sabal, Greg Kadel ou Andre Passos, ainsi que le styliste Karl Templer.
Dans le cas de Greg Kadel, une mannequin, sous couvert d'anonymat, affirme que le photographe l'a emmenée dans un hôtel alors qu'elle était encore mineure et l'a forcée à avoir une relation sexuelle.
L'enquête du Boston Globe mentionne aussi le nom de David Bellemère, photographe français accusé de harcèlement sexuel par deux femmes.
L'une d'entre elle, la mannequin américaine Madisyn Ritland, affirme qu'il a, entre autres, enfoncé de force sa langue dans sa bouche et qu'il lui a touché la poitrine sans son consentement.
Le Boston Globe révèle également que la marque de lingerie Victoria's Secret, connue pour ses défilés-événements, a cessé de travailler avec lui depuis l'automne 2016, après que des mannequins se sont plaintes de contacts physiques intempestifs et de baisers non sollicités.
Contactée par l'AFP, la maison mère de Victoria's Secret, Limited Brands, n'a pas réagi immédiatement.
Joint par l'AFP, David Bellemère a expliqué que "l'histoire Victoria's Secret (était) un grand mystère pour (lui)". "Ils se sont débarrassés froidement de moi sans explication", a-t-il déploré.
Il dit également avoir "demandé des explications aux agences de mannequins concernées", mais s'être heurté au "silence". "Je vais peut-être enfin savoir qui ment et pourquoi", a-t-il estimé.
Depuis l'éclatement de l'affaire Weinstein, plusieurs grands photographes de mode ont été accusés de harcèlement sexuel, principalement Bruce Weber, Terry Richardson et Mario Testino.
Plusieurs de leurs clients, notamment le puissant groupe Condé Nast, ont indiqué publiquement qu'ils ne souhaitaient plus travailler avec eux.