Le mercredi 12 septembre, Rachid Taha a succombé à une crise cardiaque à l'âge de 59 ans. Tout au long de sa carrière, le chanteur s'est engagé dans la lutte contre le racisme.
Que ce soit avec son groupe Carte de Séjour ou encore sa reprise de Douce France, le musicien n'a cessé de prôner la tolérance, revendiquant notamment son identité "d'algérien d'origine française".
Une boîte de nuit appelée "Au Refoulé"
Arrivé en France à l'âge de 10 ans, Rachid Taha s'installe à Lyon après avoir vécu en Alsace et dans les Vosges. Il y crée le groupe Carte de séjour, qui se revendique en 1982 comme le "premier groupe rock punk arabe".
La même année, le musicien ouvre sa boîte de nuit "Au Refoulé", lassé de se voir refuser l'entrée des discothèques. En 2013, Rachid Taha confie à ce sujet au journal L'Humanité, comme le rapporte le Huffpost :
À l'époque, à Lyon, comme partout ailleurs, l'entrée des boîtes de nuit était fermée aux Noirs et aux Arabes. J'ai donc créé cette boîte, que j'ai appelée "Le Refoulé". C'est ma manière de refuser le statut de victime, de choisir l'arme de l'humour. Il fallait trouver des réponses, des chemins de traverse. Finalement, le racisme nous poussait à aiguiser notre créativité. C'est d'ailleurs toujours le cas.
En 2009, il déclarait déjà à Technikart :
Impossible de rentrer quelque part sans sonner, sans qu'on juge si tu as la gueule adaptée au lieu. Alors on investit un endroit vite baptisé 'Au refoulé': ça drainait tout ce que les établissements respectables ne voulaient pas. Avec Carte de Séjour, on y jouait deux fois par mois. C'est rapidement devenu un rendez-vous couru.
Un souvenir amer de la Marche pour l'égalité et contre le racisme
En 1983 se déroule la Marche pour l'égalité et contre le racisme. À cette époque, Rachid Raha et son groupe Carte de séjour deviennent des symboles de la génération "beur". Néanmoins, l'initiative laissera un sentiment de déception à l'interprète de Ya rayah. Il déclarera en effet à L'Humanité :
Cette marche des beurs, c'était pour du beurre. Toute la dynamique a été détruite par SOS Racisme. Je leur en veux vraiment. Ces trotskistes passés au PS de Mitterrand étaient des sortes de missionnaires de la gauche, très paternalistes. À l'époque, j'écoutais Talking Heads, les Ramones, les Sex Pistols. À leurs yeux, qu'un type comme moi écoute ce genre de musique était impensable. Nous étions un peu vus comme des indigènes. Le logo de Carte de séjour, c'était la main de Fatma. J'avais pour habitude de dire: "Méfiez-vous des imitations". Ils ont réussi à récupérer et détourner ce mouvement parce qu'ils étaient puissants.
En 1986, Rachid Taha reprend la chanson Douce France pour en faire un hymne de la jeunesse française multi-culturelle. 30 ans plus tard, les Victoires de la Musique lui remettront un prix pour l'ensemble de sa carrière. A l'image de la regrettée Aretha Franklin aux États-Unis, le musicien a donc su s'imposer comme l'un des chanteurs les plus engagés de sa génération, tout en enchaînant de nombreux succès.