A 60 ans, Frances McDormand entre dans le club très privé des actrices deux fois oscarisées. Elle avait décroché une première statuette en 1997 pour son rôle de policière enceinte et tenace dans "Fargo", des frères Coen, dont elle est l'égérie.
Elle en a remporté dimanche 4 mers une seconde pour "3 Billboards, Les Panneaux de la vengeance", où elle incarne cette fois-ci une femme en guerre contre la police : Mildred Hayes, ivre de douleur et de rage après le meurtre de sa fille et face à la lenteur de l'enquête, loue trois panneaux publicitaires pour faire bouger les choses.
En recevant sa statuette des mains de Jodie Foster et Jennifer Lawrence sur la scène du Dolby Theatre, Frances McDormand a remercié en premier lieu le réalisateur du film, Martin McDonagh :
Nous sommes une bande de hooligans et d'anarchistes, mais nous nettoyons bien derrière nous.
Largement favorite, elle était nommée pour la cinquième fois aux Oscars après aussi "Mississippi Burning" (1988), "North Country" (2005) et "Almost Famous" (2000).
La comédienne est aussi l'une des rares actrices à avoir obtenu le triplé de l'art dramatique, récompensée aux Oscars, aux Emmy, les prix de la télévision (pour "Olive Kitteridge") et d'un Tony, les prix du théâtre à Broadway.
Quand on salue son talent, celle qui se décrit comme une "actrice à rôles de composition", répond toutefois :
On m'avait dit à l'école de théâtre que je n'étais pas naturellement douée. Alors j'ai travaillé dur. Je ne sais rien faire d'autre, à part femme au foyer.
Fidèle à son personnage de pasionaria, Frances McDormand s'est mise dimanche au diapason de la vague post-Weinstein et a demandé à toutes les femmes professionnelles d'Hollywood dans la salle de se lever, suscitant un moment d'émotion dans le public.
Elle a appelé les hommes d'Hollywood a s'intéresser aux projets portés par des femmes.
Martin McDonagh, a écrit le scénario de sa comédie noire "3 Billboards" il y a huit ans avec le rôle de Mildred spécialement conçu pour Frances McDormand, inspiré par un voyage en bus --et des panneaux publicitaires croisés-- à travers les Etats-Unis il y a vingt ans.
Un rôle que l'actrice a qualifié de cadeau mais qu'elle a hésité à accepter, a-t-elle raconté dans l'émission du journaliste Charlie Rose, parce qu'elle se pensait trop vieille pour incarner la mère d'une adolescente.
Rage pure
Jusqu'à ce que son mari, le réalisateur Joel Coen, lui ordonne : "boucle-là et accepte" le rôle, a-t-elle plaisanté.
Cette intégrité à l'écran et au-delà, c'est ce qui la rend si spéciale aux yeux du réalisateur britannique.
Née en 1957 à Chicago, elle a été adoptée à un an par un couple né au Canada, une infirmière et un pasteur. Diplômée de Yale, elle a commencé sa carrière au théâtre, devenant membre de la prestigieuse troupe de théâtre expérimental The Wooster Group, à New York, où elle vit toujours.
Après des débuts au théâtre et à la télévision, l'un de ses premiers rôles remarqués fut dans "Blood Simple", premier film des frères Coen en 1984. C'est pendant ce tournage qu'elle a rencontré celui qui est vite devenu son mari, Joel Coen. Ils ont ensemble un fils adoptif âgé d'une vingtaine d'années.
Elle a joué dans plusieurs des films que Joel a réalisés avec son frère Ethan, dont "Burn after Reading", "Hail, Caesar!", mais a aussi collaboré avec Wes Anderson ("Moonrise Kingdom"), Robert Altman ("Short cuts"), Alan Parker ("Mississippi Burning")... et même Michael Bay dans "Transformers: la face cachée de la lune" (2011).
McDormand décrit Mildred comme "habitée par une rage pure. Je pense que son deuil ne finira jamais", mais à un moment "elle décide de passer à l'action, et ça engendre des dommages collatéraux".
Elle s'est préparée pour le tournage en parlant à des gens qui avaient perdu un enfant. "L'une des choses que j'ai découvertes c'est que quand on perd un mari ou sa femme on est veuf. Si on perd un parent on est orphelin, mais si un enfant meurt, il n'y a pas de mot", a-t-elle déclaré au festival de Venise.