Dix-sept ans après sa mort, l’abbé Pierre vient d’être accusé d’avoir eu un comportement plus que déplacé envers plusieurs femmes, qui ont fait état des incidents récurrents qui se seraient déroulés "entre la fin des années 1970 et 2005 ". Une information relayée par le journal La Croix, ce mercredi 17 juillet 2024, après la prise de parole d’Emmaüs France, qui a, via un communiqué, souhaité "rendre publics des faits qui peuvent s’apparenter à des agressions sexuelles ou du harcèlement sexuel, commis par l’abbé Pierre". On apprend également que l’une des victimes présumées "était mineure au moment des faits".
C’est en juin 2023 qu’une première femme a contacté les responsables d’Emmaüs, pour les informer des supposés agissements de l’abbé Pierre. Le mouvement a alors fait appel aux services du cabinet Egaé, qui lutte contre les violences sexistes et sexuelles, afin de mener l’enquête. Et ce sont finalement sept femmes qui auraient rapporté des faits similaires.
Nous saluons le courage des personnes qui ont témoigné et permis, par leur parole, de mettre au jour ces réalités.
Ont souligné Emmaüs France et la Fondation Abbé Pierre, appelant dans la foulée d’autres potentielles victimes à se manifester.
Des collaborateurs consternés
Cette information a suscité de nombreuses réactions et quelque peu divisé l’opinion publique. Car le fondateur d’Emmaüs a longtemps été l’une des personnalités préférés des Français, de par son combat acharné à défendre les droits des sans-abris. Ainsi, dans le journal de 20 heures de TF1, une passante a réagi à la nouvelle, visiblement incrédule : "On vient ici, on a l’image d’Emmaüs, l’image de l’abbé Pierre, qui est une image de quelqu’un qui a tout le temps fait du bien donc ça fait du mal d’entendre ça", a-t-elle déploré.
De son côté, Tarek Daher, délégué général d’Emmaüs, a reconnu qu’"il est possible, en effet, que des personnes, d’anciennes personnes du mouvement, ait à une époque ou une autre, entendu des témoignages, entendu des bruits, des rumeurs, et qu’elles n’en aient rien fait".
Quant à Kamel Fessatoui, le directeur général de la communauté Emmaüs à Marseille, qui a côtoyé l’abbé Pierre pendant 25 ans, il a fait part de sa profonde désolation :
Je n’ai jamais entendu parler de ça. Je suis triste, je suis choqué… C’est quelque chose que je ne peux pas accepter ! C’est inacceptable !
Les faits qui remonteraient à 2005 ne seraient pas prescrits par la loi mais il est peu probable qu’une enquête judiciaire soit ouverte. En effet, l’abbé Pierre ne pourra pas être poursuivi car il a quitté ce monde le 22 janvier 2007, à l’âge de 94 ans.
La mort de la personne entraîne l’extinction de l’action publique. Traduction : on ne peut pas poursuivre quelqu’un qui est mort.
A expliqué Me. Hector Lajouanie.
Les proches de l’abbé Pierre réagissent
Ce mercredi 17 juillet, au micro de France Bleu Mayenne, la filleule de l’abbé Pierre et première enfant à être née dans une cité Emmaüs en 1951 a déclaré "être surprise" par ces accusations et avoir "du mal à y croire". "C’est facile de salir l’abbé Pierre, de dire des choses sur lui, il est décédé, il ne peut pas se défendre", a regretté Annie Porte.
Affirmant n’avoir jamais subi de comportements déplacés de la part de son parrain, la septuagénaire a poursuivi, évoquant des souvenirs qui lui sont précieux :
J'ai passé beaucoup de temps avec lui, j'allais en vacances chez lui, je n'ai jamais eu de souci de ce genre. On l'a reçu dans notre famille, il n'y a jamais eu quoi que ce soit. Il s'est toujours conduit comme un grand-père, quelqu'un de très gentil, de correct.
Si Annie Porte a appelé à ce qu’on "écoute ces femmes, qui ont le droit de parler, de s’exprimer", elle a néanmoins tenu à faire savoir qu’elle campait sur ses positions : "Mais moi, personnellement, je n'y crois pas".